Tintin sera-t-il reçu par le roi ?

9 février 1939. Tintin est persuadé qu’un complot se trame contre le souverain de la Syldavie. Son arrivée dans le pays n’a pas été de tout repos ; il a même échappé à une exécution. Une seule solution : « Allons vite avertir le roi Muskar XII du danger qui le menace… », dit le reporter en se dirigeant d’un pas alerte vers le Palais royal.

Une semaine après, le lecteur du Petit Vingtième découvre une scène cruciale en couverture du n° 7 : un majordome, raide comme un piquet, s’avance au premier plan. Tintin et Milou le suivent de près. Au fond se tient un garde, le torse bombé. Bien lustrées, les dalles réfléchissent légèrement les jambes des personnages et les pattes de Milou. Pas de doute, le héros se trouve dans la résidence du chef de l’État syldave. Sous le dessin, une phrase ajoute au suspense : « Tintin sera-t-il reçu par S.M. Muskar XII ? »

Sur la couverture du Petit Vingtième, le dessin est rehaussé de deux couleurs dites « de soutien » : le vert et le rouge. Le Vingtième Siècle et ses suppléments étaient imprimés en typographie, et les couleurs étaient apposées approximativement et en nombre limité.

L’original à l’encre de Chine est apparu dans une vente Artcurial consacrée à Hergé en 2017. Initialement laissé en noir et blanc, il avait été peint à l’aquarelle et à la gouache blanche par le dessinateur le jour où il l’offrit à une relation. Ce n’est pas un cas isolé : Hergé en fit de même avec quelques autres couvertures du Petit Vingtième.

Estimé entre 600 et 800 000 euros par l’expert Éric Leroy, le dessin n’atteignit « que » 505 000 euros lors de la vente du 18 novembre 2017.

Or voici que ce dessin évoquant donc une séquence du Sceptre d’Ottokar a récemment refait surface. La maison Farrando a organisé le 17 mars dernier une vente sous le titre générique Entier mobilier d’un appartement parisien et à divers. De nombreux objets d’art, peintures, assiettes, tapis, fauteuils et autres commodes se sont succédé sous le marteau du commissaire-priseur. Au milieu de tous ces lots, une seule pièce avait un rapport avec la bande dessinée : le dessin de couverture d’Hergé pour Le Petit Vingtième du 16 février 1939. L’estimation était inférieure à celle fixée par Artcurial en son temps : entre 350 et 500 000 euros. Mais malgré un communiqué sur le site actuabd.com et une conférence de l’expert Michel Coste, La Place d’Hergé dans les ventes aux enchères, la veille de la mise à l’encan, les amateurs de Tintin ne se sont pas bousculés : Milou, son maître et le majordome n’ont pas trouvé preneur. Sans doute reverra-t-on dans un futur proche ce petit bijou d’Hergé dans une autre vente, de préférence consacrée au neuvième art.

Patrice GUERIN

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