Tintin en noir et blanc : les « petites images »

Les neuf premières aventures de Tintin dans leur version noir et blanc sont, de l’avis de nombreux amateurs – et notamment du dessinateur Tardi – ce qu’Hergé a fait de plus beau dans sa carrière. Ces albums des années 1930-1940 sont aussi de magnifiques pièces de collection, plus ou moins faciles à dénicher. Leurs cotes sont très variables.

Les deux premiers volumes, Tintin au pays des soviets (1930) et Tintin au Congo (1931), affichent en couverture un dessin de format vertical, directement imprimé sur le papier blanc. Pour Tintin en Amérique (1932), Hergé imagine une nouvelle présentation : titre centré, illustration dans une case de format carré. On y voit Tintin et Milou s’offrir une pause repas bien méritée, tandis que des Indiens les épient au second plan. Ces trois albums sont parus aux Éditions du Petit Vingtième.

Les Cigares du Pharaon, en 1934, est le premier album des Aventures de Tintin reporter édité par Casterman. Pour ce volume, Hergé envisage d’abord une disposition inédite, comme l’atteste une esquisse retrouvée dans ses archives. Il opte finalement pour la petite image centrée, toujours imprimée sur du papier blanc. En 1935, Casterman réédite Tintin en Amérique, en retouchant légèrement la titraille : la mention « du Petit Vingtième » est supprimée.

Avec Le Lotus bleu, en 1936, Hergé et son éditeur mettent en place une formule qui sera conservée quelques années durant. La petite image est désormais imprimée à part et collée sur le papier du premier plat, à l’intérieur d’un liseré formant cadre. Ce papier est de couleur crème, un choix de Louis Casterman en personne. Dans les pages de l’album, cinq hors-texte apportent un peu de couleur à la bande dessinée (ce nombre sera ensuite réduit à quatre).

Si les albums suivants, à commencer par L’Oreille cassée (1937), vont être pareillement parés, les trois tomes précédant Le Lotus bleu, réimprimés, bénéficient aussi de cette présentation. Pour l’occasion, Hergé offre un nouveau dessin de couverture à Tintin au Congo (les protagonistes se déplacent dans la Ford T) et à Tintin en Amérique (à cheval).

Jusqu’alors, le nom d’Hergé n’apparaissait pas sur la couverture en tant qu’auteur, mais seulement sous la forme d’une signature au bas du dessin. À partir de L’Île Noire (1938), le créateur de Tintin demande à son éditeur que les cinq lettres de son pseudonyme accompagnent dorénavant le titre de l’album. Mais dans la précipitation, Casterman oublie cette requête sur une partie du premier tirage ! La mention « par Hergé » est ajoutée in extremis sur les autres exemplaires de L’Île Noire à assembler.

Avec Le Sceptre d’Ottokar (1939), c’est le mot « reporter », sous le titre générique Les Aventures de Tintin, qui disparaît, sur la suggestion du dessinateur. La profession du héros à la houppe est en effet peu à peu passée au second plan. Enfin, Le Crabe aux pinces d’or (1941) est le dernier album de Tintin à paraître en noir et blanc, mais aussi le premier des années de guerre. La couverture est imprimée sur un papier blanc ou crème, en fonction des disponibilités. En revanche, Casterman s’étant équipée de presses offset flambant neuf, les hors-texte du Crabe sont joliment imprimés en pleine page, sans marges blanches.

 

(À suivre : Tintin en noir et blanc : les « grandes images ».)

Patrice GUERIN

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