Tintin en noir et blanc : les « grandes images »

L’idée de laisser davantage de place à la polychromie dans les albums de Tintin remonte à 1936. Face à la concurrence, Charles Lesne, le correspondant d’Hergé chez Casterman, lui écrit que pour Le Lotus bleu, « une couverture entièrement en couleurs serait plus dans le goût du jour ». Il propose en outre trois possibilités pour l’intérieur : soit l’intégralité des planches en bichromie, soit cinq ou six pages en quadrichromie, soit l’insertion de hors-texte.

Hergé préfère conserver la formule « petite image » pour se distinguer des autres livres destinés aux enfants (Zig et Puce, Mickey, etc.). D’où la solution d’un papier crème pour la couverture, palliant la faible surface occupée par le dessin. Quant aux planches, elles ne se prêtent pas, selon Hergé, à une colorisation. Il opte donc pour l’ajout de hors-texte, tout en étant conscient que ce choix lui exigera du travail supplémentaire.

En février 1942, Louis Casterman reçoit Hergé dans ses locaux à Tournai. Nous sommes en temps de guerre et le papier est rationné. Il est plus que jamais temps de commercialiser des albums entièrement en couleurs, avec en ligne de mire la conquête de marchés étrangers, lorsque les jours seront meilleurs. Sortant des presses offset de l’imprimeur tournaisien, L’Étoile mystérieuse est le premier volume adoptant ce nouveau format en 62 planches. Hergé devra aussi remanier les précédents tomes des Aventures de Tintin afin qu’ils puissent se conformer à ce moule. L’Oreille cassée sera le premier à être reformaté ; l’édition couleurs des Cigares du Pharaon ne paraîtra qu’en 1955. Quant à Tintin au pays des soviets, il ne sera jamais réduit à 62 pages, ni colorisé du vivant d’Hergé.

Mais en cette année 1942, Casterman sait que la refonte des anciennes histoires de Tintin prendra un certain temps. En attendant, pour répondre à la demande des libraires et du public, l’éditeur imprime donc une dernière fois en noir et blanc les huit albums de Tintin au Congo au Crabe aux pinces d’or. Mais le papier crème utilisé pour les couvertures se fait rare. Charles Lesne demande donc à Hergé de réaliser des « couvertures à plein dessin », c’est-à-dire des illustrations à fond perdu, qui seront imprimées sur du papier blanc. Ce sont ces éditions que les collectionneurs baptiseront plus tard « grandes images ». En pleine Occupation, ces huit titres sont vendus uniquement en Belgique.

Hergé conservera les couvertures « grandes images » des albums L’Oreille cassée, L’Île Noire, Le Crabe aux pinces d’or, Tintin en Amérique, Tintin au Congo et Le Lotus bleu lorsque ceux-ci ressortiront en couleurs, entre 1943 et 1946. En revanche, il imaginera une nouvelle couverture pour Le Sceptre d’Ottokar (1947), les costumes et les décors de l’histoire ayant évolué entre-temps. Idem pour Les Cigares du Pharaon (1955), également rafraîchi, mais aussi peut-être pour des raisons de lisibilité. Enfin, l’album L’Île Noire connaîtra un nouvel habillage pour son remake de 1966.

Un ouvrage de référence

Outre le fameux BDM et les travaux de Philippe Goddin, il existe un livre que tout collectionneur des neuf premiers albums se doit d’avoir en permanence sur sa table de chevet. Il s’agit de Tintin noir sur blanc de Marcel Wilmet, sous-titré L’aventure des aventures. Paru aux éditions Casterman en 2004 et réédité en 2011, il est malheureusement épuisé aujourd’hui. L’indispensable catalogue Tintin, bibliographie d’un mythe d’Olivier Roche et Dominique Cerbelaud (Les Impressions nouvelles, 2014) nous apprend qu’« entre les deux éditions, de petites modifications ont été faites, une quinzaine d’erreurs ont disparu, quatre éditions incorrectes ont été supprimées et remplacées par cinq “nouvelles” découvertes entre-temps ».

Patrice GUERIN

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